Pourquoi de nombreux Marocains préfèrent-ils conserver des sommes importantes d’argent liquide chez eux ? Cette question revient souvent, notamment dans le cadre de la récente campagne de sensibilisation lancée par la Direction Générale des Impôts pour inciter les contribuables à régulariser leur situation fiscale avant le 1er janvier.
Ce phénomène relance le débat sur les raisons pour lesquelles certains Marocains continuent à gérer leurs biens monétaires en dehors des institutions bancaires, ce qui exacerbe le problème de la montée du “cash”. En dépit des progrès technologiques et de l’extension de l’infrastructure bancaire, Bank Al-Maghrib rapporte qu’à la fin de 2023, le Maroc comptait 36,3 millions de comptes bancaires ouverts, dont 23 millions de comptes courants et 10,9 millions d’épargnes.
Une question culturelle
Pour Ibrahim Hamdaoui, chercheur en sociologie, cette habitude s’explique principalement par une vision culturelle limitée qui associe la propriété à ce qui est tangible et visible. “Malgré les avancées des institutions bancaires, beaucoup continuent de penser que la possession d’un bien se limite à ce qui peut être vu ou touché. C’est une vision culturelle accumulée au fil du temps et qui persiste encore”, a-t-il déclaré à Hespress.
Hamdaoui ajoute que ce comportement reflète également un manque de culture financière, en particulier sur la gestion transparente des fonds. “Certains ignorent que placer leurs fonds dans des banques contribue à stimuler l’économie et à réduire les pratiques financières opaques”, précise-t-il.
Il explique que la peur des questions fiscales, comme “D’où vient cet argent ?”, pousse de nombreuses personnes à stocker leur argent chez elles ou dans des coffres, les empêchant ainsi de profiter des services bancaires modernes.
Manque de confiance
Fouad Belmir, un autre sociologue, estime que cette pratique découle d’une combinaison de facteurs, notamment la faible confiance de nombreux Marocains envers les banques. “Beaucoup croient que la sécurité d’un bien réside dans sa tangibilité, et cette méfiance est renforcée par des services bancaires coûteux et des procédures complexes qui dissuadent les citoyens”, explique-t-il.
Belmir appelle l’État à renforcer l’éducation financière pour sensibiliser les citoyens aux avantages d’une gestion moderne de leurs finances. “Les institutions bancaires doivent également améliorer leurs services, réduire leurs coûts et simplifier leurs procédures pour attirer davantage de clients”, ajoute-t-il.
Selon Belmir, l’accumulation de ces facteurs contribue à une culture financière limitée, où les citoyens préfèrent gérer leurs liquidités eux-mêmes plutôt que de les confier à des banques. Cela complique les efforts de l’État pour réguler l’économie informelle, d’autant plus que le volume du “cash” en circulation atteint désormais 430 milliards de dirhams.